Cérémonie de l'éveil - Shilisphe

La sorcière était très occupée à regarder ses merveilles végétales s'épanouir lorsqu'elle l'avait sentie, cette nouvelle âme prête à éclore. L'écho d'un amour d'ores et déjà inconditionnel, caché entre les cheveux pâles, vint réchauffer son cœur et la fit bondir de joie entre les fleurs multicolores. Toute ravie, elle s'enquit d'un serviteur, faisant tinter une petite clochette avec gaieté.

- Voilà déjà qu'une nouvelle luciole nous a rejoint ! C'est une lumière curieuse, qui ne tardera guère à faire route jusque ici. Alerte le Mont d'Or, et presse donc le pas ; que chacun l’accueille comme il se doit !

- Bien votre Magicienneté.

Le serviteur s'en fut aussi vite qu'il était venu.

- Oh Shilisphe, mon bel enfant, il me tarde tant de voir ce que ton nouvel avenir te réserve.

Tandis que la chaleur des festivités réchauffait déjà le village, qui s'armait de couleurs et de parures odorantes pour honorer cette nouvelle cérémonie, Bergamote se fondit dans les jardins, laissant tinter derrière elle son petit rire cristallin.


Avant de poursuivre, sachez que tout villageois ou explorateur est libre de participer à cette cérémonie. Cette dernière se déroulera en trois temps : accueil du nouvel éveillé au village, marche jusqu'au temple du Roi pâle (avec la transformation) puis retour au Mont d'Or (qui s'achèvera sur l'attribution d'un métier au villageois récemment arrivé). Le Maître du Jeu ouvrira et fermera ces périodes. Du reste, aucun ordre de réponse n'est établi, vous pourrez même poursuivre les festivités de votre côté, au retour. Profitez-en pour vous lier avec d'autres villageois.

"Eh les gars, je vous ai déjà raconté mon éveil ? Oui, et bien je recommence. Bah, allez, ne ronchonnez pas, on a rien à se raconter de toute façon, donc autant blablater un peu. Tiens, vas chercher du brune-miel pour la table toi ! Oui, c'est moi qui paye, oui, je te dis ! Bon, calmez-vous et laissez moi racontez.

C'était un moment très calme, j'ai ouvert les yeux, mes cheveux enroulés entre mes cils. Après les avoirs dégagés, je relevais la tête. Il n'y avait rien, ni à l'extérieur de moi ni à l'intérieur. Je ne pouvais penser à rien. Vous savez cette sorte d'impression qu'on a tous eue, c'est horrible et à la fois merveilleux non ? Il y avait juste mon prénom qui se dégageait comme un écho, un appel de mon âme qui disait de tout oublier mis à part ce nom. Je ne savais pas que c'était le mien, mais j'en avais étrangement la conviction. Je me suis levé dans ce paysage aux nuances d'obscurité en y voyant totalement clair et je me suis dit tout de suite que ça n'allait pas le faire. Vous savez pourquoi pas vrai ? Exact ! Ma taille ! Je me suis directement mis sur la pointe des pieds ! Et j'ai commencé à marcher, je n'étais pas dénudé et les vêtements me semblaient naturels, donc bon, je les ai gardées. J'aurais pu les enlever, je croyais bien être seul au départ ! J'ai cependant très vite compris que ce n'était pas le cas. Au fil de mes pas, se dessinait un village accompagné du bruit s'en dégageait, ainsi qu'une lumière très forte. Je pouvais entendre des bruits et des sifflements et je comprenais rien. Cette humeur festive m'a vite rendu curieux et je souriais déjà, marchant toujours avec mon élégance née, enfin, vous me connaissez les gars, pas vrai ?! Buvons un petit coup et jouons une petite partie, je vous raconterais la suite si vous me laissez gagner ! Ou bien ce sera votre punition pour avoir perdus. "

Kathel était enfermée dans son dortoir, penchée depuis des heures déjà sur des runes mondoriennes plus complexes les unes que les autres, lorsqu’une de ses camarades avait pénétré dans la chambre, bondissant de joie.

- Il y a un nouvel éveillé en route pour le Mont d’Or, viens vite Kathel !

Lâchant ses études épineuses – et définitivement éprouvantes – sans aucun remord, la jeune archère bondit sur son armoire et se saisit de vêtements légers et colorés qu’elle trouva parfait pour l’occasion. Ce n’était pas qu’elle était particulièrement heureuse à l’idée d’un nouveau venu au Mont d’Or ; à dire vrai, étant plutôt une des élèves la moins sociable de l’Ordre, elle n’en avait cure. Non, c’était plutôt l’idée de sortir prendre l’air après toutes ces heures d’études prolongées qui la mettait de bonne humeur. Ainsi que le fait d'emprunter la peau de Songe-Écarlate, plus en avant dans la Cérémonie. Elle avait bien besoin de laisser libre cours à ses pensées tourmentées, après cette journée de concentration aliénante.

Aussi savoura-t-elle avec une joie toute particulière l’effervescence qui bouillonnait dans les ruelles, et elle se faufila entre les villageois occupés pour se glisser jusqu’aux portes du village. Bien qu’elle n’adresserait sans doute jamais la parole à celui qui les passerait d’ici peu, elle brûlait tout de même, avec une hâte mal dissimulée, d’apercevoir celui qui les rejoindrait bientôt, ici-bas.

Marche jusqu'à l'arche de pierre, transformation

Elle avait entrainé le garçon aux cheveux de lait dans les ruelles, bondissant et trottinant plus que ne marchant. Il l’avait suivi sans trop d’effort, et la joie les avaient fait gravir les tortueux sentiers sans peine ; sentant sa grande main dans la sienne, rien ne semblait plus beau à Bergamote que cette fantastique fin de journée.

Et soudain, la grande arche de pierre s’était offerte à eux, trônant fièrement sous les rayons du soleil, révélant les apparences de tous ceux qui avaient suivi joyeusement la marche sautillante de la sorcière et de son petit protégé.

Docile, Shilisphe s’était agenouillé face à la petite sorcière ;  ravie, celle-ci posa sa minuscule main sur le front recouvert de longues mèches blanches agitées par le vent.

- Rejoins les profondeurs, Shilisphe. Abandonne-toi à ta forme nouvelle...

Les longs cheveux pâles du garçon le drapèrent, et sa douce peau blanche disparut sous les crins pour en ressortir couverte d’une douce fourrure plus pure encore que la neige, parsemée de reflets irisés des plus ravissants. Bergamote tendit la main pour caresser tendrement le doux museau du cheval qui se tenait maintenant face à elle, laissant le vent emporter les pétales de sa crinière.

- Crin-Fleuri. Ainsi te nommeras-tu.

Le doux hennissement de l’étalon berça l’assemblée, et sonna l’ère d’une fusion mentale nouvelle, paisible et maîtrisée.

Kathel avait suivi l’étrange procession jusqu’à l’arche de pierre, se laissant transporter par la foule sans trop réfléchir. L’apparence curieuse du garçon avait certes retenue son attention ; mais dès l’instant où celui-ci avait disparu entre les badauds, entrainé par Bergamote, la jeune archère avait cessé d’y songer. Brinquebalée de toute part dans la foule heureuse, elle pensait d’ores et déjà à sa future transformation.

Lorsqu’elle rejoint enfin le lieu sacré, le garçon aux cheveux pâles avait déjà été remplacé par un magnifique cheval aux crins fleuris. Oubliant où elle était, Kathel s’avança pour mieux le voir ; aussitôt, elle offrit son visage à un rayon de soleil qui affleurait par une trouée et ce fut l’explosion.

En même temps qu’elle rapetissait et qu’elle discernait déjà la présence de ses ailes poudrées, Kathel eut tout juste le temps de sentir la vague de sombres pensées s’abattre en elle ; puis elle disparut. A sa place, s’élevait désormais Songe-Écarlate et ses terribles tourments.

Que faisait-il donc là, à festoyer auprès d’inconnus alors qu’il pourrait fort bien perfectionner son plan ? Une cérémonie de l’éveil, quelle perte de temps. Il jeta un regard dédaigneux au petit cheval blanc comme la neige qui hennissait sous l’arche. Soupirant, il se résolut à se fondre dans la masse. Peu importait les circonstances, il comptait bien mettre à profit ce temps précieux où il avait le dessus pour fourbir sa vengeance.

"Sérieusement ? Vous me laissez gagnez ou quoi là ? Non, non, ne dites rien, je suis seulement trop fort pour vous. Bon, comme punition, je vais encore vous rabâcher ma petite histoire sur ma cérémonie de l'éveil.

Donc, je suis allé au village, comme dit, et celui-ci m'a accueilli royalement, les habitants, on ne peut plus chaleureux, me nourrissant des plats qu'ils portaient. Les enfants me faisaient faire des tours sur moi-même et certains me prenaient dans leurs bras en me souhaitant la bienvenue. Je continuais ainsi la procession jusqu'à ce qu'un petit bout de femme à la vitalité rayonnante me prenne et me guide avec une joie communicative. J'avais le sourire aussi grand que le sien alors que je la regardais d'un amour inexplicable. Oui, c'était Bergamote, et pendant ces instants d'intimités, j'avais l'impression que mon cœur battait au rythme de ses pas. Jusqu'à ce qu'on s'arrête et qu'elle me donne le conseil de me mettre à sa hauteur afin de poser sa main sur mon front. Le haut de ma tête engloutissait sa main par les poils blancs et soyeux qui poussait inexorablement alors que mon arrière-train se levait de lui-même et que mon esprit semblait laisser le contrôle à une autre entité, ni bonne ni mauvaise, mais vivante. Celle-ci devait avoir ses qualités et ses défauts, et déjà à ce moment-ci, j'avais hâte de les apprivoiser à ma manière. Je n'étais plus Shilisphe, c'était Crin-Fleuri désormais. Et déjà, l'envie de la liberté le titillait en humant l'air nouveau et en découvrant chaque visage d'un œil frais. Il hennissait lorsque la main de sa maîtresse brisait l'harmonie printanière de sa chevelure devenue crinière fière tout en s'en fichant et il continua à marcher d'un pas doux, répandant des fleurs parfois blanches, des fois rosées ou bleutées.

La suite à la fin de la prochaine partie, on sait tous que je vais gagner de toute façon !"

Retour au Mont d'Or

Déjà, l’ancien rituel se terminait. Passant ses fins petits doigts dans la douce crinière fleurie, Bergamote fit signe au cheval de s’approcher ; baissant la tête, l’étalon blanc pencha ses oreilles de velours vers l’enfantin visage. Caressant une dernière fois le museau d’albâtre, elle lui susurra à l’oreille :

-  Il est temps pour nous de retourner au Mont d’Or, mon bel enfant. Quand la nuit drapera les cieux, rejoins le palais des profondeurs, là où mes serviteurs t'offriront mets et repos. Le jour suivant, tu seras pour toujours des nôtres.

Tous s’éparpillèrent dans les ruelles colorées, et la fête commença enfin ; explosion de sens et de joie, qui embauma le cœur de tout un chacun.


Au terme de la cérémonie Shilisphe Crin-Fleuri deviendra peintre, ainsi l'ont décidé les serviteurs de Bergamote.


La cérémonie touche à sa fin. Vous êtes libre de poursuivre les festivités tant qu'il vous plaira ! Merci à tous pour votre participation.